Interview donné pour L’Echo afin de revenir sur la situation politique actuelle.

C’est inédit, le ministre-président putatif de la Région bruxelloise sert de médiateur à la formation de la majorité néerlandophone dans la capitale. Un parti devra accepter une sorte de «super commissaire» au gouvernement, estime le libéral David Leisterh.

Le leader MR de la formation francophone sert de «médiateur» côté néerlandophone, selon ses propres termes. Du jamais vu en 35 ans d’histoire de la Région de Bruxelles-Capitale. Pour rappel, il faut une majorité au sein des 17 sièges néerlandophones du Parlement bruxellois. Groen est sorti premier des urnes avec quatre sièges, devant la Team Ahidar (trois), Vooruit, Open Vld et Vlaams Belang, avec chacun deux sièges, et PTB et CD&V (un siège chacun). David Leisterh dirige une alliance MR-PS-Engagés, il a accepté de répondre à L’Echo dans la foulée de ses rencontres avec les partis néerlandophones.

Pourquoi vous impliquez-vous autant dans la formation de la majorité néerlandophone? Ne revient-il pas aux partis néerlandophones de trouver une solution entre eux?

Je n’agis évidemment pas ici comme formateur. Mais à situation inédite, approche inédite. J’ai proposé mes services pour avancer. Je joue un rôle de médiateur et j’exerce une pression, car je suis pressé. Je ne peux pas rester à attendre. Elke Van den Brandt (ministre sortante Groen en charge de la Mobilité, NDLR) avait annoncé qu’elle n’était plus formatrice suite à l’épisode de la LEZ. Si on comptait sur Fouad Ahidar, on aurait encore attendu un certain temps, j’ai donc pris des contacts pour tenter de trouver une solution au problème de départ: il faut quatre partis pour faire une majorité pour trois postes dédiés aux néerlandophones au sein du gouvernement. Les réunions de ces derniers jours sont constructives. Je veux croire à une solution d’ici peu.

Vous faites, paraît-il, des propositions originales. Prennent-elles?

Fébrilement, oui, car dans un contexte budgétaire compliqué, on ne peut plus attendre. Il faudra un sens des responsabilités pour tous, et pour l’un ou l’autre, un sens du sacrifice. Un des partis n’aura peut-être pas le rôle dont il a rêvé avec un ministre ou un secrétaire d’État, mais une autre fonction qu’on souhaite la plus impactante possible. Celui ou celle qui acceptera ce rôle devra être récompensé.

Commissaire de gouvernement ou présidence de l’assemblée, normalement occupée par un francophone?

On doit davantage se concentrer sur un rôle de commissaire du gouvernement qui ne se résume pas à une mission de réflexion avec remise de rapport à long terme. Il faut un impact au jour le jour, et les chantiers sont tellement nombreux que, honnêtement, une personne de plus, dans le cadre actuel, ne sera pas de trop. Je pense en particulier au budget, à une sorte de gardien des deniers publics en soutien au ministre ou secrétaire d’État. Cela lui donnerait l’opportunité d’être présent dans les discussions quotidiennes du gouvernement.

M. Bouchez a indiqué que des accords PS-PTB au niveau local auraient des conséquences. Lesquelles?

Je refuse de croire que PS et Ecolo puissent faire des accords avec les communistes. Les libéraux ont des demandes fortes dans certaines communes, mais elles reposent sur une série de victoires et un historique sain. Ce n’est pas le cas des communistes et des communautaristes. Il ne faut pas jouer avec le feu.

Cela nuirait à vos relations avec le PS?

Si PS ou Ecolo servaient la soupe aux communistes, cela nuira à nos relations, c’est évident. Comment gérer une région comme Bruxelles avec les communistes au pouvoir dans certaines communes? La situation budgétaire est catastrophique, on doit recréer de la cohésion sociale et de la capacité fiscale. Certains font trop rapidement abstraction des exactions du communisme. Ils devraient s’en souvenir quand ils discutent de majorités.

Quelles nouvelles du comité de pilotage budgétaire?

Il a demandé un délai supplémentaire, il entre dans la granularité du problème. Il ne va pas nous remettre une simple analyse, mais des trajectoires, des pistes que nous, politiques, aurons à trancher. Elles doivent être crédibles, car vu la situation, la Région risque de perdre la main sur son propre destin.

Bientôt des coupes dans le personnel régional?

Cette approche n’apparaît pas, si c’était le cas je n’en parlerais pas, car c’est une des dimensions les plus sensibles d’un budget. On a eu une explosion de dépenses en la matière, mais on ne doit pas travailler qu’au niveau du personnel. Les marges de manœuvre sont faibles en recettes, en dépenses elles existent, mais sans forcément un rendement budgétaire direct. Or, le gouvernement précédent a annoncé des économies de plusieurs centaines de millions aux agences de notation, si on s’en écarte, la note pourrait être dégradée, ce qui aura un impact sur le coût de nos emprunts et donc sur notre déficit. On doit agir dès maintenant avec courage.

On entend que certaines administrations ne respectent pas le moratoire sur les engagements.

C’est correct. Il y a eu des propositions d’engagements émises à la veille de l’entrée en vigueur du moratoire, il y a des tentatives de passer par la bande pour gonfler tel ou tel département. C’est dangereux.

Le gouvernement en affaires courantes les bloque?

Il assume ses responsabilités, mais il est nécessaire de rappeler à certains que certaines dépenses n’ont plus lieu d’être. Et il y a des verrous administratifs.

Le système politique bruxellois semble arrivé à ses limites. Le MR est-il décidé à le mettre en chantier au niveau fédéral?

Bien sûr on va le faire. Et on ne sera pas seuls. Sinon, la prochaine fois ce sera impossible de former un gouvernement. Côté néerlandophone aussi on a conscience qu’il faut du changement. Le statu quo institutionnel mènera à l’écroulement. On ne pourra plus longtemps se cacher derrière une complexité administrative pour expliquer l’absence de résultats tangibles pour le citoyen.

Le PTB négocie son entrée en majorité à Forest, est-ce de nature à freiner le redéveloppement du site? Le parti a fait campagne sur la taxation des grandes entreprises.

Effectivement, il y a deux projets phares à Forest. Un investisseur britannique est prêt à mettre 70 millions dans un stade à Forest, ce qui est générateur d’emplois, de richesses et de divertissement. Vous aurez aussi un potentiel repreneur d’Audi, à qui il va falloir expliquer que la commune est gérée par des communistes. Le stade risque de se construire ailleurs, en Flandre par exemple, et Bruxelles de se retrouver sans repreneur pour Audi.

On entend parfois que le MR a raté le deuxième tour des communales? Au niveau des maïorats, la pêche est maigre, non?

Nous avons gagné ces communales. Nous étions dans six majorités, nous sommes aujourd’hui dans dix majorités et il reste deux à trois grosses communes à décider. Le MR compte 50 conseillers communaux et 18 échevins de plus. Nous n’avons qu’un seul mayeur en plus, ce qui n’est pas suffisamment représentatif.

C’est un problème, vu le poids pris par la conférence des bourgmestres?

C’est vrai, c’est là tout le problème du MR. Même si on fait 30%, on arrive quasi chaque fois à 60% des forces politiques contre nous. les phrases clés «Je refuse de croire que PS et Ecolo puissent faire des accords avec les communistes.» «La N-VA, ici, ne joue pas son rôle de formateur en plein , mais déroule son programme pour Bruxelles.» «Si Audi n’arrive pas à trouver un repreneur, nous sommes prêts avec une série de pistes .»

Interview complète à retrouver ici.