Le discours de notre cheffe de groupe Alexia Bertrand ce vendredi 21 octobre en réplique au Discours de Politique Générale de Rudi Vervoort:
L’année passée, à la même période, je citais Théophraste, philosophe de Grèce antique, qui disait « La plus couteuse des dépenses, c’est la perte de temps ». Je vous disais aussi, chers collègues, que Bruxelles attend, que Bruxelles perd du temps, que le temps passe et que rien ne se passe. Un an plus tard, j’en suis convaincue : Bruxelles mérite mieux.
S’il y a un an, la mer était plus calme qu’aujourd’hui, force est de constater que le bateau « Bruxelles » est désormais en pleine tempête. C’est le résultat de 20 ans de politiques de gauche sans cesse plus coûteuses et qui ne parviennent à aucun résultat. Bruxelles est aspirée dans le tourbillon de l’appauvrissement. Trois ans de politiques écologistes moralisatrices, punitives sans résultat sur le climat.
3 ans d’un gouvernement bancal, mené par un capitaine courtois, mais à l’air indifférent, épaulé par un équipage fracturé qui peine à amener les changements dont Bruxelles a cruellement besoin. Une fracture qui rejaillit sur les politiques menées. Faute de vision et de cohérence, le Gouvernement bruxellois oppose de plus en plus les Bruxellois entre eux.
Comme vous nous le disiez hier, Monsieur le Ministre Président : c’est votre quatrième Déclaration de politique générale sous cette législature. Pourtant, les DPG s’enchainent, mais qu’est-ce qu’elles se ressemblent.
En 2020, on lisait « 2021 verra le démarrage de la toute première Stratégie de propreté urbaine de notre Région (…) ».
En 2021, on lisait « 2022 verra le démarrage de la mise en œuvre de la première Stratégie de propreté urbaine de notre Région (…) »
Et cette année, petite variante, on lit « 2023 verra aussi le démarrage la première Stratégie de propreté urbaine de notre Région « Clean Brussels » (…) »
En trois ans, vous êtes parvenu à trouver un nom à cette stratégie « Clean Brussels ». Vivement octobre 2023 pour la suite ! Le constat est d’ailleurs identique (au mot près !), d’année en année, de DPG en DPG, vous nous dites « Bruxelles est réputée pour être une ville trop sale ». Après 3 ans, on a largement dépassé le stade de la réputation. Bruxelles EST une ville trop sale. Bruxelles mérite mieux.
Bruxelles mérite de sortir de l’immobilisme.
Bruxelles mérite des priorités et de l’ambition.
Bruxelles mérite surtout des résultats.
Chers collègues, j’ai rencontré ces Bruxellois et ces Bruxelloises, eux, qui méritent mieux, beaucoup mieux, tellement mieux.
J’ai rencontré Sarah et sa famille qui attendent un logement social. Ils devront attendre 17 ans.
17 ans, chers collègues, 17 ans ! C’est le temps d’attente moyen pour une demande de logement cinq chambres. Est-ce que Sarah ne mérite pas mieux ? Plus de 51 000 ménages sur liste d’attente, plus de 11 ans d’attente en moyenne, et le Gouvernement poursuit la même politique sans s’interroger sur son efficacité.
Vous ne pouvez pas, Monsieur le Ministre-Président, quand on a 51 000 ménages bruxellois sur liste d’attente, vous dispenser par dogmatisme du soutien du secteur privé. Vous le savez très bien puisque vous l’avez certainement lu dans les recommandations d’un spending review externe que votre Gouvernement à lui-même commandé.
Le parc de logement social, c’est comme un mix énergétique : il faut un peu de tout pour que ça marche. Les solutions existent ! Il faut entretenir le parc de logements sociaux, privilégier l’acquisition du logement clé sur porte, mais aussi, et surtout développer l’AIS ! C’est du Win-Win-Win : Win pour les demandeurs, qui ne sont plus logés dans des tours, mais éparpillés dans toutes les communes. Win pour les bailleurs, qui touchent certes moins d’argent, mais qui reçoivent la garantie des pouvoirs publics que le loyer sera payé en temps et en heure. Et Win pour vous, chers membres du Gouvernement, qui venez de trouver une solution efficace et bon marché pour loger les ménages en situation de précarité.
Bruxelles mérite mieux.
J’ai aussi rencontré Adam, il attend une meilleure offre de transports en commun avant d’abandonner sa voiture
Comment ne pas parler de Good Move Monsieur le Ministre Président ? Vous avez construit, à coup de blocs de béton, un mur toujours plus important entre les citoyens selon qu’ils utilisent ou non un vélo ou une voiture. À l’heure de la multimodalité, la politique que vous menez oppose les Bruxellois. On peut pourtant être cycliste ET automobiliste… En quoi vouloir des pistes cyclables sécurisées serait incompatible avec davantage de fluidité pour les automobilistes sur les axes structurants ?
La colère gronde, car elle provient de l’incompréhension. L’adhésion se construit et ne s’impose pas. Good Move prévoit pourtant la création d’une charte de participation citoyenne pour accompagner les projets de mobilité et d’espace public. Pourtant, qu’il s’agisse de la maille à Cureghem, de celle de Jette ou du Pentagone, les habitants, les commerçants, les services de secours, les partenaires sociaux déplorent tous de n’être, ni consultés ni écoutés.
Que dire encore du manque de coordination des chantiers, là encore prérequis qui figure dans Good Move ? La Ministre de la mobilité qualifiait encore la coordination d’insuffisante en septembre dernier, mais qu’à cela ne tienne, cela ne vous empêchera pas de tout faire en même temps, des travaux dans le tunnel Trône au réaménagement de la Gare Centrale en passant par la maille Pentagone. Osiris, une plateforme du Gouvernement qui doit servir à coordonner les chantiers sur le territoire bruxellois, n’est toujours pas accessible au public et l’ordonnance n’est toujours pas correctement appliquée, à qui la faute ?
Bruxelles mérite mieux.
J’ai aussi rencontré Chloé. Elle veut plus d’action pour le climat et est scandalisée de voir sa facture d’énergie exploser.
Je lui ai expliqué que la priorité est d’agir sur l’isolation des bâtiments pour réduire ses besoins en énergie, sur l’installation de système de chauffage performant (décarboné) et sur le développement des sources d’énergie renouvelable. 60% des émissions C02 proviennent du chauffage de bâtiment. D’ailleurs, sur ce point, le groupe MR déplore l’inaction des Gouvernements qui depuis 15 ans n’ont pas mené les politiques structurelles ciblées pour avancer sur ce qui nous aurait aujourd’hui permis de réduire notre dépendance énergétique.
Aujourd’hui, en pleine crise énergétique, après 3 ans de travail, ce que vous appelez la stratégie « Rénolution » ne constitue toujours pas un vrai plan d’action, coordonné, concret, cohérent et chiffré. Il ne permet pas d’atteindre une trajectoire de réduction de nos consommations d’énergie fossile et de nos émissions de gaz à effet de serre à suivre d’ici 2050.
Votre stratégie Rénolution ? Bruxelles mérite mieux.
Entretemps, la situation est urgente. Il faut des mesures rapides à mettre en œuvre et qui ont des effets directs. Il faut des politiques d’aides ciblées pour permettre aux ménages les plus vulnérables, mais aussi ceux issus de la classe moyenne qui n’ont encore jamais franchi la porte d’un CPAS, aux indépendants de faire face à l’augmentation de leurs factures.
Les CPAS, surchargés (une grève est annoncée), ne vont pas pouvoir à eux seuls gérer les demandes d’aides de l’ensemble des ménages bruxellois qui sont ou seront en difficulté de paiement. Pourquoi faire tout reposer sur leurs épaules ? Vu l’urgence, il faut travailler avec les outils existants. Une piste que nous proposons d’explorer, c’est de passer par le canal Brugel. Il faut simplifier l’octroi du statut de client protégé. Cela aurait l’avantage d’accorder ce droit sur base d’un critère de revenu, indépendamment d’un statut social, et sans passer par une enquête et un suivi social du client.
Quand j’entends vos déclarations d’hier, j’en reste bouche bée. Vous travaillez sur la mise en place d’un fournisseur de dernier ressort ? Une question Monsieur le Ministre-Président, avant d’avoir un fournisseur de dernier ressort, ne serait-il pas plus judicieux d’avoir plus de deux fournisseurs sur le marché ? De sorte que le citoyen puisse faire un véritable choix avant de tomber dans « une solution de dernier ressort »…
Les Bruxellois et les Bruxelloises méritent mieux.
J’ai rencontré Redouane qui attend plus de facilités pour lancer son entreprise. J’ai aussi rencontré Quentin, qui cherche une place de formation dans un métier d’avenir.
J’ai été incapable en l’état de les rassurer sur l’avenir économique de la Région. Au deuxième trimestre 2022, le taux de chômage culmine à 12% à Bruxelles, contre 8,6% en Wallonie et seulement 3,1% en Flandre. Bruxelles reste la Région de Belgique avec le plus fort taux de chômage.
Bruxelles détient également la médaille d’or du plus grand taux de jeunes de 15 à 24 ans qui n’exercent aucun emploi et ne suivent aucun enseignement ni aucune formation (NEET’s) : en 2021, ce taux était de presque 10% à Bruxelles, 6% en Flandre et 9% en Wallonie. De plus, 113 métiers ont été identifiés en 2022 comme fonctions critiques pour lesquelles les employeurs peinent à recruter.
En 2021, 3119 entreprises ont quitté la Région Bruxelloise. Si on retire de ce nombre celles qui sont venues d’une autre Région pour s’installer ici, on obtient un solde de – 1016 entreprises. Ce solde est en constante augmentation : il était de – 442 entreprises il y a 10 ans, en 2011. Le nombre de demandeurs d’emploi inoccupés est de 88.086 personnes, parmi ceux-ci, 48,4% d’entre eux sont inoccupés depuis plus de 2 ans. Sur les 10 communes ayant le plus bas revenu moyen par habitant, 6 sont en Bruxelles.
En 2020, 40.904 personnes ont quitté la Région de Bruxelles-Capitale. Le solde migratoire sans compter les migrations internationales est de -17.319 personnes. Ce solde était de – 12946 il y a dix ans, en 2010. En d’autres termes, en plus de se vider de ses entreprises, Bruxelles se vide de ces habitants ! Et qui est-ce qui quitte Bruxelles et rejoint chaque année une autre Région ? C’est la classe moyenne.
En matière de développement territorial, Monsieur le Ministre-Président, force est de constater que la plupart des zones de développement majeures identifiées par le Plan régional de développement durable (PRDD) connaissent de sérieux enlisements. Les délais d’obtention des permis d’urbanisme battent quant à eux tous les records : 5 ans et 9 mois ! Et 60% des grands projets seraient désormais frappés de recours ! Ces délais bloquent tous les grands projets et font fuir les investisseurs.
Quand on constate le chaos actuel que vivent certains quartiers, je pense en particulier aux alentours de la gare du Nord dont les habitants ont exprimé récemment leur ras-le-bol de l’inertie des pouvoirs publics, le MR considère qu’il est intolérable de s’opposer à la transformation urbaine des quartiers populaires et à leur embellissement. En agitant le fantôme de la gentrification, la gauche entrave le renouvellement qualitatif de la vie en ville.
Bruxelles mérite mieux. Beaucoup mieux. Tellement mieux.
Et pourtant… si je prends acte des annonces du Gouvernement relatives au budget, je doute que la situation s’améliore en 2023. Plusieurs Ministres voient leurs enveloppes budgétaires augmentées, mais aucune réforme n’est menée alors que la trajectoire budgétaire de la Région ne cesse de se dégrader. Pourtant, le Ministre des Finances avait annoncé des efforts dans chaque portefeuille ministériel pour redresser la situation dans le cadre du Plan pluriannuel, où sont-ils ?
La situation budgétaire de la Région se dégrade depuis 2016 et l’endettement ne cesse de croître. Avec 4,6 milliards de dettes en 2016, le Gouvernement bruxellois va tripler sa dette avant la fin de la législature (14 milliards selon une récente étude du CERPE). La stratégie d’endettement n’est pas un mal en soi si l’endettement vise à mener des politiques d’investissements vertueux qui permettent d’améliorer la qualité de vie en ville et de stopper l’exode urbain. Il n’en est rien aujourd’hui. Le Gouvernement s’endette pour financer des dépenses courantes, car il est incapable de faire des choix.
En plus d’un manque de vision, on voit aussi clairement un manque d’ambitions. Le tourisme est l’exemple parfait ! Vous parliez hier des « deux années de crise sans précédent ». Alors, oui, le Covid a été difficile pour tout le monde, mais la relance touristique a été clouée au sol par un manque d’imagination du Gouvernement. La Wallonie s’est, en l’espace de quelques mois, construit une toute nouvelle image de marque, qui montrait aux Belges qu’il est tout à fait possible de changer d’air en restant en Belgique. Bruxelles est resté au balcon, sans promouvoir le tourisme local et de loisirs, comme ce fut le cas en Wallonie.
D’ailleurs la situation se répète… Vous disiez justement hier « le tourisme d’affaires se porte bien, mais n’a pas encore retrouvé ses couleurs d’avant la pandémie ». Mais quelle est votre stratégie ? Quelles sont vos ambitions ? Qu’allez-vous mettre en place pour que le secteur du tourisme d’affaires se dynamise encore plus ? Bruxelles mérite mieux.
Dans ce Parlement, le groupe MR est la première force de propositions. Si nous le sommes, c’est parce que nous sommes convaincus que Bruxelles mérite mieux. Plus qu’une gestion à la petite semaine, Bruxelles mérite qu’on lui donne un cap :
- Nous voulons des critères plus justes pour l’attribution du logement social. Ils doivent être attribués en fonction des revenus réels pour aider les familles les plus pauvres. Il ne faut plus attendre de construire du logement neuf, mais travailler main dans la main avec le secteur privé et développer les AIS.
- Nous voulonsdes actions fermes contre la malpropreté et les trafics de drogues. Il faut plus de sanctions et plus de police de proximité.
- Nous voulons protéger la biodiversité en ville, et végétaliser les toits des bâtiments publics et préserver les derniers espaces naturels plutôt que les bétonniser.
- Nous voulons un plus grand coup de pouce pour acheter un logement. Il faut une baisse des droits d’enregistrement de 12,5% à 10% et jusqu’à 5% en cas de rénovation énergétique. Bruxelles a aussi besoin d’une vraie stratégie pour rénover et isoler rapidement son bâti. Renforçons les primes, généralisons les prêts à taux 0%, accélérons les permis, c’est une nécessité absolue !
- Nous voulons que les Bruxellois puissent se déplacer rapidement en transport en commun. Il faut améliorer les horaires en journée, le week-end, le soir, la nuit : bref tout le temps ! Il faut étendre le réseau de métro, développer de nouvelles lignes bus : Il faut une offre, une vraie offre, une offre crédible !
- Nous voulons un Bruxelles qui travaille ! Finançons en priorité les formations qui donnent accès à un job, développons les alternances avec les entreprises et garantissons l’apprentissage du français et du néerlandais ! Il faut aussi encourager l’entrepreneuriat, renforcer l’accompagnement personnalisé et valoriser le statut d’étudiant-entrepreneur.
Monsieur le Ministre-Président, Mesdames et Messieurs les Ministres et Secrétaires d’État, Bruxelles mérite mieux. Mieux que ce que votre Gouvernement propose.
Aujourd’hui, « Non seulement nous sommes tous embarqués sur le même bateau, mais nous avons tous le mal de mer. » Le groupe MR n’espère plus qu’une chose : que le bateau se maintienne à flot jusqu’à 2024. Un nouvel équipage pourrait monter à bord et mettre le cap à tribord !